Si un jour, vous allez à Montréal, et qu’aux heures de pointe, vous croisez un coureur, alors qu’il fait -28°C… Ne soyez pas étonnés. C’est peut-être tout simplement Joan Roch qui se rend au travail.
Joan court matin et soir pour aller et revenir du boulot, soit 20 km. 5 jours par semaine. Toute l’année, cela représente 5300km…
Joan est un ultra-marathonien, franco-québécois de 41 ans. Son palmarès en Ultra s’est étoffé sur le continent Nord-Américain depuis 3 ans. On se dit alors que c’est un individu un peu fou, qui court depuis qu’il est tout petit, 7jours sur 7...
Détrompez-vous ! En dehors des compétions, Joan ne court que pour aller sur son lieu de travail.
Originaire de Poitiers en France, il s’est installé au Canada en 1997. Père de 3 enfants, il occupe un emploi de programmateur informatique.
Coureur d’ultra, blogueur, photographe, conférencier… Joan Roch adore partager sa vision de la course à pied. C’est donc tout naturellement qu’il accepté de répondre à mes questions.
Xavier Boulanger: Joan, peux-tu nous raconter ta découverte la course à pied ?
Joan ROCH : » Sportif, je l’ai toujours été. J’ai testé un peu tous les sports, mais la contrainte des entraînements à heure fixe me démotivait. Quand je voulais pratiquer un sport, c’était « là, tout de suite, quand j’en avais envie ! » Et aux heures des entraînements, je n’avais pas forcément l’envie ! C’est le manque de souplesse qui me décourageait. La course à pied, j’ai toujours aimé ça. Mais je n’étais pas régulier. Au début des années 2000, j’ai fait quelques tentatives. Mais j’abandonnais à chaque fois. En 2005, après des multiples faux-départs, j’ai réussi un jour à courir 500m sans s’arrêter ! J’ai poursuivi, semaine après semaine, avec comme seul objectif de progresser, d’aller plus loin. Je parcourais le même tour et je me fixais des objectifs simples comme de réussir à aller jusqu’ « au prochain banc là-bas ! » Progresser cela me procurait énormément de satisfaction et de plaisir. J’ai persévéré, puis je me suis fixé de courir un semi-marathon. Je courais alors essentiellement sur route. En 2007, j’ai pris le départ du Marathon d’Ottawa avec un ami. Sans préparation spécifique, j’ai terminé en 3h14. Il m’a fallu ensuite 3 ans et 6 marathons pour descendre sous les 3 heures. J’avais cru que cela aurait été plus facile. Cela m’a montré alors qu’il n’y avait rien sans rien. »
X.B : A quel moment as-tu décidé de prendre le départ d’un trail ?
Joan ROCH : « En 2009, j’ai participé à l’Ultimate XC au nord de Montréal. Cela a été une rencontre difficile avec le trail ! 58km de sentiers très techniques, avec de longs passages dans les rivières, j’ai fini fatigué, fâché et frustré. Je m’étais dit : « plus jamais de trail ! »Pourtant l’année suivante, j’ai repris le départ de cette course et je l’ai même remportée en 2014 en version 120 km. »
X.B: Plus tu avances dans le temps et plus longues sont les courses sur lesquelles tu t’alignes. Toujours plus long, c’est ta devise ?
Joan ROCH : « C’est en 2010, que j’ai décidé de m’approcher du monde de l’ultra. Je voulais repousser mes limites. J’ai participé alors à un 80 km. Au fil du temps, mon corps s’est adapté. Mon mental suivait bien et mon envie de monter en distance s’est faite naturellement. En 2013, je termine 3ème de mon premier 160 km dans l’Etat de New-York. En 2014, je remporte mon premier 165km, le Bromont Ultra (Canada). »
X.B : Tu privilégies la recherche de plaisir en courant, mais tu as une approche très utilitaire de la course à pied. Peux-tu nous en dire plus ?
Joan Roch : « Comme beaucoup de coureurs, j’ai une famille, 3 enfants, un job prenant. Pour préparer des ultras, j’ai bien essayé de courir tôt le matin en me levant à 4h, mais c’est trop épuisant. L’autre problème à Montréal, c’est le déplacement pour rejoindre le lieu de travail. En voiture, c’est trop onéreux. Les transports en commun, c’est trop long. J’ai essayé le vélo, mais on me l’a volé dès le début. J’y suis donc allé en courant par défaut au début. 10 km aller et 10km retour. J’ai rapidement pris conscience que c’était un moyen de transport original et aux avantages multiples. C’est un mode de déplacement qui permet de combiner le sport et le transport. J’ai pu m’entraîner en réduisant au minimum l’impact sur l’emploi du temps familial. Beaucoup de monde a sûrement pensé à utiliser la course à pied de cette façon, mais beaucoup ont abandonné aussi face à certaines contraintes. L’absence d’une douche en est une par exemple.
Je suis invité régulièrement pour animer des conférences où je partage ma façon de courir. Je donne des conseils et des astuces pour mettre en place « la course à pied comme mode de déplacement.»
X.B: Ton trajet maison / bureau constitue-t-il ton seul entraînement ?
Joan ROCH : « Oui, 20 km par jour. 5 fois par semaine, cela représente 100 km. Le week-end, je le réserve à la famille. Les sorties complémentaires, ce sont les courses auxquelles je participe. Je pars le matin à jeun. Je prends un repas vers 10h30 puis le souper en famille vers 19h. Le week-end , je mange normalement comme la famille ! La rudesse du climat à Montréal fait partie aussi des spécificités de mon entraînement. Il y a une amplitude thermique de plus de 60°C entre l’hiver et l’été. En cherchant à m’adapter à cette météo, j’ai appris beaucoup sur mon corps et je me suis forgé un mental qui me sert sur les ultras. »
X.B : Le trail est une activité qui a le vent en poupe en Europe. En est-il de même au Canada ?
Joan ROCH : « Oui, le trail se développe très vite aussi, même si on part de plus loin au Canada. Le nombre d’organisations est en forte augmentation avec des terrains de jeu exceptionnels.
Des groupes de trailers se créent un peu partout. On copie un peu ce qu’il se fait en France. Sur le modèle de La petite trotte à Léon, on a au Québec, La petite Trotte à Joan. L’objectif de cette course est d’aider un groupe de néophytes à terminer un 160 km. »
X.B : Tu es présent ici à l’UT4M, comme coureur (Joan a couru le 40 km Vercors)et comme conférencier. Tu seras aussi au départ de l’UTMB. Ensuite, prévois-tu une coupure ?
Joan Roch : « J’ai profité de mon passage en France pour être présent à l’UT4M, qui est une belle organisation. L’UTMB, c’est un objectif, mais ma saison ne s’arrête pas là ! 3 semaines après l’UTMB, mon entreprise organise une course de relais solidaire qui relie les villes de Québec à Montréal soit 250 km. J’ai décidé de l’effectuer en solo ! Ensuite, je terminerai l’année par la Diagonale des Fous. L’objectif à moyen terme est de participer au Tor des Géants en 2016.
En marge, je vais retravailler les textes de mon blog afin de publier un livre en mars 2016. Il s’agira d’un ouvrage dans lequel seront compilés tous les textes et les photos de mon blog. Il sera destiné au grand public pour montrer quel’ultra est accessible au plus grand nombre. »
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